[Polémique] Instrumentalisation de l’écologie politique : L’arnaque des néo-libéraux

14 novembre 2018 ·

Les néo-libéraux ont trouvé leur nouvel ennemi : l’écologie politique. Outre qu’ils se gardent bien de la définir ou de l’identifier, ils pratiquent l’amalgame et la rhétorique pour décrédibiliser une pensée complexe qui les gène. Une preuve sans doute que le corpus de la pensée écologique est effectivement une arme de plus en plus crédible et efficace contre la mystique néo-libérale.

Un article à charge du Figaro (9 novembre 2018) fustige l’écologie politique et l’accuse d’être instrumentalisée contre l’économie de marché et le capitalisme. Outre les faiblesses rhétoriques de cet article ainsi que son parti pris auto-justificatif, les auteurs se positionnent de façon très classique en défenseurs d’un mode de vie qui garantit la santé, le logement, l’alimentation à l’échelle planétaire alors que l’écologie politique, pernicieusement associée aux échecs du communisme, ne rêverait que de nous faire retourner à l’âge de pierre. D’après eux, seuls l’économie de marché, le capitalisme et le scientisme sont à même de garantir ce confort de vie et la progression de l’humanité vers un monde meilleur.

La principale faiblesse de cet article, c’est qu’il parle bien d’instrumentalisation dès son titre, mais qu’il n’en fait jamais la démonstration. Instrumentalisé par qui ? Aucune réponse. Instrumentalisé dans quel but : très peu précisé puisque les auteurs ne font que justifier une économie de marché, sans laquelle il n’y aurait pas d’avenir pour l’espèce humaine. Ils emmènent donc de façon très malsaine le raisonnement vers une opposition artificielle, mais sans jamais l’évoquer directement : si l’écologie politique est contre l’économie de marché (érigé en postulat de base et non démontré), c’est qu’elle doit être contre le progrès et n’est pas à même d’assurer la sécurité alimentaire ou sanitaire des populations. De fait, non seulement ils ne répondent pas à la question de l’instrumentalisation, mais ils déploient un plaidoyer scientiste et libéral insistant dont on se demande à la fin qui instrumentalise qui ?
En terme d’instrumentalisation et de lobbying, les CV des rédacteurs expliquent bien des choses (1)&(2). Ils défendent chacun leurs propres activités et tirent à vue sur un des principaux mouvements d’opposition actuels au capitalisme et au néo-libéralisme depuis la chute du communisme : l’écologie politique, érigée en repoussoir par les libéraux.

Deuxième manipulation de l’article : les soi-disant succès à mettre au profit de l’économie de marché. Une analyse complète leur aurait pourtant permis de constater que ces succès sont absents et ne tiennent compte ni du coût social, ni du coût écologique qu’ils impliquent, ou qu’il s’agit de récupération pure et simple. La faim dans le monde a régressé et l’accès à l’eau potable s’est améliorée, certes, mais ce n’est pas sous l’impulsion de l’économie de marché mais uniquement grâce à une politique volontariste de l’ONU, des ONG et de l’aide internationale qui ont su mobiliser des fonds pour financer des actions efficaces vers les populations les plus touchées. De son côté, le libéralisme a surtout permis aux grandes multinationales de s’approprier et de surexploiter les ressources naturelles mondiales en en privant l’accès aux populations locales. A l’échelle mondiale, 1 aquifère sur 5 est surexploité et principalement dédié à l’agriculture intensive, non à l’eau potable. En Inde, c’est sous la pression des populations que des multinationales telles que Coca-Cola ont été obligées d’arrêter la surexploitation des aquifères et l’empoisonnement des sources par des rejets contaminés et non traités. Les exemples sont légions pour démontrer aux auteurs que seuls une régulation et un contrôle des ressources naturelles par les peuples peuvent en garantir la sauvegarde, au contraire d’une économie de marché libérale qui les épuisent.

Bien entendu, les auteurs minimisent les impacts du changement climatique. Il devient de plus en plus compliqué pour les climato-sceptiques de remettre en cause les conclusions du GIEC. L’approche la plus commune pour eux est donc désormais d’en minimiser les conséquences, ou d’expliquer comme dans cet article que la science trouvera des moyens pour en gérer les effets. Ils proposent donc de continuer à consommer toujours plus d’énergies fossiles pour assurer notre développement économique et technologique. C’est oublier que certaines parties du globe deviendront purement et simplement inhabitables du fait de la transgression marine ou des températures. C’est oublier les rétroactions positives d’une augmentation des températures qui favoriseront la libération des réserves de GES contenues dans les océans et sous le permafrost, rendant totalement incontrôlable cette augmentation qui pourrait ainsi atteindre 6°c. Quelles richesses ou quelles inventions technologiques pourront alors nous protéger efficacement ?

Enfin, dernière arnaque, celle de l’attaque en règle contre les modèles développés par le club de Rome. Cette assemblée d’expert avait expliqué en 1972 que notre modèle de développement économique n’était pas infini et qu’il trouverait ses limites autour de 2050. Une réactualisation de ce modèle en 2004 a non seulement confirmé les tendances, mais prévoit un effondrement de notre système économique à partir de 2030 en y intégrant des éléments écologiques et climatiques. Seuls arguments contraires développés par les auteurs de l’article : nous ne constatons toujours pas de pénuries. Certes, les limites de la croissance ne sont toujours pas atteintes mais ça n’invalide pas le modèle, cela confirme simplement que nous sommes toujours dans la phase de développement incontrôlé.

Cet article est une honte pour le Figaro, non seulement par les éléments qui y sont développés, mais également par la manipulation et la mauvaise fois dont il fait preuve. Calomnie sur une possible instrumentalisation de l’écologie politique sans jamais la démontrer, et justification outrancière et malhonnête des soi-disant bienfaits du capitalisme.
L’écologie politique a pourtant démontré ces dernières années sa cohérence et sa compétence jusque dans le domaine de l’économie en prônant des modèles de développement basés sur la prise en compte des coûts socio-écologiques, sur l’évaluation des services écosystémiques, sur la gestion des biens communs, et sur une recherche de proxys pour évaluer le bien-être collectif un peu meilleurs que le seul PIB, calculé hors-sol sans jamais prendre en compte les impacts environnementaux.
La seule bonne nouvelle, c’est que l’écologie politique est aujourd’hui vilipendée et sert de cible et de repoussoir pour tous les économistes classiques. Que les environnementalistes sont désormais agressés par leurs contempteurs à longueurs d’émissions de télé et d’articles de presse. Que les militants écologistes sont maltraités, tabassés, tués pour leurs idées durant leurs actions de protestation…
Une vraie bonne nouvelle ? Oui ! Cela montre que nous devenons audibles et efficaces. Continuons la lutte !

(1) M. Azihari est économiste, pro-libéral, pro-capitaliste, impliqué dans différents réseaux internationaux et plates-formes de recherche pour la promotion de l’économie de marché et du capitalisme.

(2) M. Alexandre, compagnon de route d’Alain Madelin, est urologue et chef d’entreprise, défenseur du transhumanisme et du scientisme, doctrine selon laquelle la science et la démarche scientifique sont en mesure de résoudre l’ensemble des problèmes.

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